Paris – Montréal – New York – Paris

Atterrir à Montréal.
Changer l’euro en dollars, se sentir fort et grand. Déambuler dans les couloirs de l’aéroport pour savourer l’instant. Se retrouver devant l’arrêt d’autobus 747. « Vous voulez mon ticket, je n’en aurai plus besoin. Je rentre ». Bienvenue de l’autre côté de l’Atlantique.
Découvrir l’autoroute à Montréal. Freedom. Prendre le métro. Sur chauffé. Retrouver une amie. On en avait oublié son mauvais caractère. Si touchant. Sortir le soir, découvrir la journée, lire le journal. Se marrer en lisant ce qu’ils appellent joliment « Metro Flirt ».
Se prendre pour un Américain du Nord.
Découvrir qu’ici, il fait froid, mais que très souvent le soleil vient réchauffer des morceaux de peau. Prendre son temps. Commander des brunchs. Déguster le café au lait. S’attabler, écouter le blues du musicien qui crie faux les notes aigues. Le soleil toujours qui vient taper sur la baie vitrée. Travailler. Voir la ville d’en haut, du Mont Royal. Je ne sais toujours pas pourquoi il est Royal. Se sentir grand et minuscule. Se confondre dans des émotions diamétralement opposées. S’étonner de n’avoir encore jamais vu une si grande palette de couleurs dans un seul arbre. Des milliers en fait, le long des routes qui n’en finissent plus de s’étaler à l’horizon. Se laisser transporter à vélo, sillonner les rues quadrillées de la ville, retomber en enfance. Ne plus avoir peur. Ne pas avoir froid. Embrasser une fille à 4h32. Ne pas la revoir. Faire des affaires de travail, avoir envie de conquérir le monde, s’en sentir la force. Dormir chez une pote, la découvrir, discuter de tout de rien. Se rendre compte qu’elle pourrait bien devenir une amie. Diner, déjeuner, bruncher encore. A l’endroit, à l’envers.
Ne plus porter de montre. Ca ne sert plus à rien désormais.
Foutre tout l’argent en l’air. Réaliser des rêves. Louer un 4×4 et dans la foulée, le surlendemain, une Chrysler 300. Se faire surclasser. Faire exploser les enceintes en arrivant sur le pont qui domine New York. Se dire qu’on le fait. Qu’on le refera.
Jouer les New Yorkais. Lunettes de soleil, rap, veste d’Américain, jean. Brut le jean.
Garer le monstre de voiture. Payer le parcmètre. Garder le ticket pour toute la vie.
S’inventer une vie. New York et moi.

Rentrer à Montréal. Comme on rentre chez soi. S’y sentir bien. Se prélasser. Consumer le temps qui passe comme des cigarettes qu’on éteint et qu’on rallume dans la foulée.
Boire un dernier verre avant de repartir. Jouer au ping pong, dans le bar.
Vivre, sentir, découvrir, s’étonner, partir, revenir, crier, exploser !

Prendre l’avion. Rentrer à Paris.

L’avion venait d’atterrir, j’étais pourtant persuadée qu’il était encore en l’air, dans des nuages compacts. J’ai senti mon cœur se serrer contre ma poitrine. J’ai pensé à Montréal. Fermé les yeux, très fort, pour ne rien laisser s’en aller de toutes ces larmes que j’aurai voulu déverser sur l’horrible tarmac Parisien. J’ai regardé à travers le hublot, les yeux secs. Les hôtesses de l’air passaient entre les rangées, récupérer les écouteurs qu’on nous prête au décollage. La pluie tombait sur l’appareil. Ma gorge se tordait de douleur de se serrer si fort. J’aurais donné tout ce que j’avais, pour qu’il décolle à nouveau. Je voyais ma vie reprendre son cours, là où je l’avais laissé un mois auparavant. Avec les même questions. Les mêmes peurs. Le même quotidien. La même tristesse qui pèse sur la ville.
Je rentrerais chez moi. La lumière serai éteinte. Les rideaux baissés. Rien sur la table. Pas de vie. Pas d’âme qui vive. Je croiserais des regards vides de sens. Je retrouverais des gens sans importance et pourtant, ensemble nous parlons de tout et de rien. Je les retrouverais là où je les ai laissés. Dans les mêmes attitudes et les mêmes faux semblant. Je retrouverais les Parisiens.

Je serais sans espoir.
Je penserais à vite repartir.
J’y pense encore.

A propos Beno's Book

Les cuisses de Régine, les yeux de Georges mes héros, la grande grise, le grand barbu, le bain moussant... Les yeux fermés.
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