Le samedi, s’il pleut un peu trop

Le samedi c’est le jour des cadeaux. C’est aussi le jour où il faut aller récupérer la Box de Christine, auprès du gardien de son immeuble. Elle avait décidé de passer le week-end ailleurs, et de se trouver un très bon ami qui n’aurait rien de mieux à faire.
Le samedi c’est le jour où les magasins sont ouverts aussi. Le samedi s’il fait beau, les gens sortent. Et là, il pleut. Le samedi, il y a vraiment beaucoup de choix qui s’offrent à moi et je ne sais pas par où commencer.

Je décide de me débarrasser du plus encombrant. La Freebox de Christine, rien de plus simple et puis c’est sur mon chemin. Ensuite, je m’en irai errer dans les magasins à la recherche du cadeau de mon petit frangin.

J’entre dans la petite loge du gardien. Pour récupérer l’engin cubique, il me faut ce qu’il appelle « le petit papier ». Je fouille dans la boite aux lettres de Christine, n’y trouve rien. L’homme de la loge semble être d’origine Martiniquaise. « Ah il n’y a pas le petit papier ! Alors pas de colis ! » Il me montre le « petit papier » type recommandé que je dois lui donner. Je réfléchis, fais un tour d’horizon de la petite pièce dans laquelle je me trouve. Mes yeux s’arrêtent sur un carton, à ses pieds.
« C’est peut-être un indice », lui dis-je.
Il se penche, lit le nom qui y est associé. Christine T. On est sur la bonne voie !
« Ah oui ! », après un long moment d’arrêt Martiniquais, il continue : « Mais il n’y a pas le petit papier… »
Ah !…
On parle d’un bout de papelard que le gardien d’après midi avait sûrement oublié de remplir en accusant réception du colis. Le moment est grotesque, mais il me faut cette Freebox. Je négocie pendant 10 bonnes minutes. Je fais des courbettes, des sourires, des blagues même. « Mais il n’y a pas le petit papier ». Je finis par laisser copie de toutes mes cartes : identité, permis de conduire, UGC et je repars avec mon colis sous la main.

Le samedi, il faut trouver un cadeau pour Ben, mon p’tit frère. Il faut se creuser la tête pour trouver le bon. Pour un garçon, c’est pas si simple. Automatiquement, on élimine une nouvelle moto, une super voiture, un avion à réacteur. Le bateau, on se l’offrira tous les deux. On élimine tout ce qui ressemble à un cadeau de fille. Et puis finalement, on ressort de chez le fleuriste avec, en poche, un mur végétal. Il est stupide le moment où j’arrive à ma moto avec mon mur végétal dans les mains !

Après avoir trouvé une solution de génie pour rentrer chez soi, on s’affale dans son fauteuil en cuir beige récupéré cet été sur le « décor Squat » d’un tournage de téléfilm.
Le film passe ce soir sur M6, ca ne se rate pas ! Chaque scène, chaque plan du film, c’est un souvenir. Une galère, une cascade en plein Paris. On se rend compte que régisseur, finalement, c’est pas un métier en l’air. C’est le dernier maillon de la chaine, c’est contrôler la circulation, être attentif aux mouvements de foule, ca sert tout le monde, même si personne ne le reconnaît vraiment.

Le samedi soir, si je suis bien au chaud chez moi, si mon mur végétal trône bien sur ma table, si ma télé est bien allumée, je commence tout juste à me laisser aller à mes souvenirs de cet été. Ce samedi soir, ma vie aurait pu être différente, mais j’en avais décidé autrement. Le samedi soir, je me rends compte que quoi il arrive, la vie continue encore et toujours.

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Ecoute la vie

Sans l’horloge qui surplombe la gare, sans le cliquètement du bracelet qui constamment bat la mesure du temps au poignet, sans les cadrans numériques qui te crachent à la gueule le temps qui s’enfuit, petite tache bleu au milieu de la pénombre de la pièce, entends la vie s’enfuir sous le poids de ton corps.

Elle te murmure à l’oreille qu’il est déjà trop tard. Il est sans cesse trop loin ce juste avant, ces années qui s’égrainent, au creux de ma main la sable chaud s’en retourne déjà d’où il vient.

J’ai beau m’atteler à le faire cent fois le même geste, glisser ma main toute entière sous les vaguelettes de sable, sentir la puissance de la vie, la chaleur du présent, qu’il se carapate déjà entre mes doigts.

Eteins la lumière, couvre toi les yeux de peur qu’ils ne brulent sous des feux de rayons impalpables, venus de là où le temps remonte paraît-il.

Je ne sais pas si dans l’espace, le temps remonte, s’enfui, déguerpi, ou  si simplement il n’existe pas. Là où tout s’arrête, là où le mouvement se fige, là où rien ne vit, n’existe, là au bout, tout au bout… Sans fin, sans forme.

Rappelle toi le gout du vivant, de son sourire au réveil, quand au loin les trois premières lueurs de l’aube viennent transpercer le paquet d’immeuble planté devant tes fenêtres.

Quotidien.

Lève la tête pour y voir plus clair, l’avion qui s’en va. Apprécie le vide, au loin, quelques notes s’échappent d’un piano à queue. Tu les entends qui délicatement viennent caresser tes souvenirs ? Ce juste avant. Dix ans déjà.

Remonte l’horloge posée sur la cheminée. Sens le feu qui vient te caresser les membres, l’hiver qui s’en vient.

Il est déjà temps de repartir. Chacun de mes pas bat la mesure d’un temps passé pour courir vers un futur inconnu.

Mon âme se meure aux fins fonds de tiroirs sombres, fermés à triple tour. Brut. Agressif. Le temps que je retiens s’éteint dans ce livre intime que j’ai logé il y a quelques années dans la toile internet. On le surnomme facebook, twitter, google, autant de coups de chance d’une poignée de génies de notre siècle. Autant de pétards que nos avons accueilli puis logé  dans nos chambres et nos cuisines. Des bombes à retardement à qui l’on a fait une place confortable dans nos salles de bain et notre lit. Pour se rassurer on s’endort avec nous-même. On existe. On hurle quand il nous chante de le faire. On n’en a plus rien à foutre de rien. Chaque provocation c’est une occasion de plus de prendre en hold-up l’humanité toute entière. Une simple revendication se transforme en manifestation aux quatre coins de l’univers.

Des hurlements, des agressions, des cris. Voici le monde qui nous réveille, nous accompagne et nous berce pour nous endormir.

Dans la petite salle de bain de ton 10 m2 Parisien, l’eau qui s’écoule dans ton lavabo c’est la crasse de tes folles nuits. C’est un peu de toi, un peu d’elle. C’est un morceau de peau, un bout de ton lit, de tes tiroirs. Dans le sens des aiguilles d’une montre, elle tourne en rond pour se frayer un chemin vers un ailleurs souterrain. Elle s’enfuit sur la partition plate de ta vie. Ecoute le métronome fouetter les croches de ce siècle que nous avons tous pris soin de bâtir dans le chaos et l’incertitude de parvenir un jour à nous en faire un ami fidèle pour la vie.

Entends la vie qui s’écoule. Ecoute la attentivement. Car elle te parle sans cesse.

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ZEPHYR

Se débarrasser des poids de la vie. S’échapper des nuits entières, des soirées accompagnées, pour penser que l’on est pas seul. Se faire un seul ami, pour toute la vie.

Un ami qui nous accompagne si’ l’on est triste, un compagnon qui nous emporte sur les routes sinueuses. Avec lui, on ne tombe jamais.

On s’en persuade, sinon on ne le suit pas, jamais. Il pourrait nous faire quelques frayeurs parfois. C’est aussi pour ça qu’on l’aime. On se sent vivre à ses côtés. Il est le prolongement de moi-même. Il s’énerve au rythme de mon pouls qui s’emballe ; le soleil s’en va déjà se réveiller de l’autre côté du monde. A ses côtés, on est nouveau tous les jours. Il nous libère. On pourrait passer des jours entiers, des mois et des années à ne jamais se parler. Il nous comprend. Ensemble, on regarde le soleil se lever sur les quais de Seine ; la lune s’éclairer, le soir tombant. On ne se lasse pas du quotidien. Tout est différent. Comme si la vie s’éclairait à nouveau en permanence. C’est l’aventure. Aller à la Poste, faire ses courses au supermarché. Aller faire un tour, pour rien, pour le plaisir. Juste comme ça.

Ensemble, on pourrait bien tout faire. On fait des cabrioles, pour sentir que la vie peut nous échapper à tout moment. Les bobos, ca les fait trembler. Les autres, avec leurs jeans tubes serrés jusqu’aux chevilles, qu’est ce qu’ils en savent de la vie ? Que peuvent-ils en avoir bien à foutre du soleil qui se couche ou se lève. De mes états d’âme, de mon humeur qui change en un éclair. Des montagnes russes qui me cognent la tête. Du passé, du présent avec lequel je compose mon futur. Au fil de la partition qui se dresse devant moi, blanche… Des lignes et des lignes de fausses notes. De croches, de rondes, de noires qui tissent le tableau imparfait d’un juste avant qui sonne faux en permanence. Elles résonnent en mesure, sans que je ne puisse les étouffer. En concert, elles se liguent contre moi.

A toutes ces choses que j’ai raté.

Il nous extirpe du passé qu’on a juste envie de laisser derrière soi. Tant et si bien, qu’on s’oublie en lui. On oublie les siens, on oublie qu’il en existe, des autres, les nôtres, avec qui l’on parle. Avec qui l’on échange en terrasse de café, parfois, quand c’est l’été, quand le soleil vient caresser les nuques des jeunes femmes. Quand on a quelque chose à raconter, ou parfois quand on a juste envie d’écouter. On oublie qu’on pourrait leur manquer.

Et il y a ce jour. Un soir, une nuit, tard, dans Paris, dans une rue qu’on ne connaît pas. On oublie.

On n’y pense déjà plus à la soirée qui vient de s’écouler. Le temps a fuit comme les très fins cristaux blancs qui se sont écrasés tout au fond du sablier posé sur la table en bois.

On manque presque de le suivre. Inutile remarque, il nous porte. On le laisse faire.

Je n’y pense plus aux lignes blanches qui éclairent par intermittence le coin gauche de mon œil. A vrai dire, il a suffit de peu pour qu’elles deviennent déjà une ligne continue et bientôt mon regard s’y perd. La nuit est sombre. Pas un chat dehors. A peine quelques lampadaires qui dominent la rue créant des tâches lumineuses à certains endroits.

Soudain, il fait froid. Chacun de mes membres se relâche, je sens mon corps se détendre, mes cuisses se décontracter. Mon cerveau se mettre en veille, tout seul. Sans m’en avertir. Je m’endors.

Il est étrange ce moment. Ce n’est pas un rêve. Pourtant on pourrait le penser. Ce n’est pas non plus réel. Il n’y a rien à toucher. Plus de minutes ou de secondes. Désormais, je ne serai plus en retard, ou à l’heure. Etendue sur la chaussée, l’éternité défile. Lentement. Au rythme de mes paupières qui se referment. Epuisement. C’est en fait agréable de se laisser porter à s’en aller. On ne le fait pas contre eux ou pour elle. C’est enfin à moi que je pense. Je m’endors, elle me réveille. Je dis mon nom. Elle me secoue. Je somnole. Elle se rapproche. Je repars. Elle me tient. Elle sourit. Moi aussi. La vie.

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Paris – Montréal – New York – Paris

Atterrir à Montréal.
Changer l’euro en dollars, se sentir fort et grand. Déambuler dans les couloirs de l’aéroport pour savourer l’instant. Se retrouver devant l’arrêt d’autobus 747. « Vous voulez mon ticket, je n’en aurai plus besoin. Je rentre ». Bienvenue de l’autre côté de l’Atlantique.
Découvrir l’autoroute à Montréal. Freedom. Prendre le métro. Sur chauffé. Retrouver une amie. On en avait oublié son mauvais caractère. Si touchant. Sortir le soir, découvrir la journée, lire le journal. Se marrer en lisant ce qu’ils appellent joliment « Metro Flirt ».
Se prendre pour un Américain du Nord.
Découvrir qu’ici, il fait froid, mais que très souvent le soleil vient réchauffer des morceaux de peau. Prendre son temps. Commander des brunchs. Déguster le café au lait. S’attabler, écouter le blues du musicien qui crie faux les notes aigues. Le soleil toujours qui vient taper sur la baie vitrée. Travailler. Voir la ville d’en haut, du Mont Royal. Je ne sais toujours pas pourquoi il est Royal. Se sentir grand et minuscule. Se confondre dans des émotions diamétralement opposées. S’étonner de n’avoir encore jamais vu une si grande palette de couleurs dans un seul arbre. Des milliers en fait, le long des routes qui n’en finissent plus de s’étaler à l’horizon. Se laisser transporter à vélo, sillonner les rues quadrillées de la ville, retomber en enfance. Ne plus avoir peur. Ne pas avoir froid. Embrasser une fille à 4h32. Ne pas la revoir. Faire des affaires de travail, avoir envie de conquérir le monde, s’en sentir la force. Dormir chez une pote, la découvrir, discuter de tout de rien. Se rendre compte qu’elle pourrait bien devenir une amie. Diner, déjeuner, bruncher encore. A l’endroit, à l’envers.
Ne plus porter de montre. Ca ne sert plus à rien désormais.
Foutre tout l’argent en l’air. Réaliser des rêves. Louer un 4×4 et dans la foulée, le surlendemain, une Chrysler 300. Se faire surclasser. Faire exploser les enceintes en arrivant sur le pont qui domine New York. Se dire qu’on le fait. Qu’on le refera.
Jouer les New Yorkais. Lunettes de soleil, rap, veste d’Américain, jean. Brut le jean.
Garer le monstre de voiture. Payer le parcmètre. Garder le ticket pour toute la vie.
S’inventer une vie. New York et moi.

Rentrer à Montréal. Comme on rentre chez soi. S’y sentir bien. Se prélasser. Consumer le temps qui passe comme des cigarettes qu’on éteint et qu’on rallume dans la foulée.
Boire un dernier verre avant de repartir. Jouer au ping pong, dans le bar.
Vivre, sentir, découvrir, s’étonner, partir, revenir, crier, exploser !

Prendre l’avion. Rentrer à Paris.

L’avion venait d’atterrir, j’étais pourtant persuadée qu’il était encore en l’air, dans des nuages compacts. J’ai senti mon cœur se serrer contre ma poitrine. J’ai pensé à Montréal. Fermé les yeux, très fort, pour ne rien laisser s’en aller de toutes ces larmes que j’aurai voulu déverser sur l’horrible tarmac Parisien. J’ai regardé à travers le hublot, les yeux secs. Les hôtesses de l’air passaient entre les rangées, récupérer les écouteurs qu’on nous prête au décollage. La pluie tombait sur l’appareil. Ma gorge se tordait de douleur de se serrer si fort. J’aurais donné tout ce que j’avais, pour qu’il décolle à nouveau. Je voyais ma vie reprendre son cours, là où je l’avais laissé un mois auparavant. Avec les même questions. Les mêmes peurs. Le même quotidien. La même tristesse qui pèse sur la ville.
Je rentrerais chez moi. La lumière serai éteinte. Les rideaux baissés. Rien sur la table. Pas de vie. Pas d’âme qui vive. Je croiserais des regards vides de sens. Je retrouverais des gens sans importance et pourtant, ensemble nous parlons de tout et de rien. Je les retrouverais là où je les ai laissés. Dans les mêmes attitudes et les mêmes faux semblant. Je retrouverais les Parisiens.

Je serais sans espoir.
Je penserais à vite repartir.
J’y pense encore.

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31 décembre 2012

1er Janvier 2013. 5H31. Des rues vides.
Je ne saurai jamais pourquoi j’ai vraiment tenu à dire tous mes vœux de bonheur au petit épicier du coin de ma rue, ce soir là. C’est un peu comme se demander ce qu’on fou encore là. La réponse n’est jamais la bonne. Et pourtant j’ai poussé la porte, ce 1er Janvier. Son visage s’est éclairé. Le mien sûrement. Mais certainement, pour des raisons différentes.
Je vais très souvent le visiter, tard le soir, quand les rues sont vides, quand je suis seule en moto, quand je réfléchis. Je réfléchis trop souvent. Quand j’ai envie d’une bière, d’un paquet de cigarette. Il me fait crédit. J’ai ouvert un compte en banque clandestin chez lui. J’ai beaucoup trop de dettes et il s’en fou. Ca m’arrange assez pour l’instant. Un jour je lui rendrai bien.

Un peu plus tôt dans la soirée, j’ai rencontré la « femme au téléphone ». Sa voix était si douce. Elle s’adressait au microphone d’un appareil à forme cubique. C’était presque choquant de sentir autant d’émotion s’échapper de ses yeux, de ses lèvres, de tout son corps qu’elle avait recouvert d’un plaid rouge. Il n’y a pas eu de larme, pas de frissonnements non plus. Nous n’en étions pas bien loin. Ca s’était arrêté au creux de ses cils. Va savoir pourquoi. Les gens retiennent tout. Je ne sais pas bien à quoi ça sert et pourtant je ne suis vraiment pas un exemple. Je fais partie de cette minorité, en fait non, je suis une minorité à moi seule, de ces gens qui observent, de ceux qui gardent tout. Comme des petits bouts du passé, des petits morceaux de gens qu’on garde au chaud, à l’intérieur de soi. Des papiers froissés en boule, qu’on dépose le soir aux pieds de son lit en pensant qu’on pourrait bien les retrouver dans la corbeille le lendemain matin. On se leurre. On se ment. On le sait. Il faut bien porter les bagages du temps. Mais c’est un rêve que j’aime à croire, que la corbeille est assez grande pour y accueillir tout le passé. Mon âme, ce merveilleux récipient à déchets de tout ce que j’ai été, de tout ce que les autres ont été avec moi. Je suis de ces gens qui regardent les autres vivre ces moments particuliers de la vie.
Si l’on m’avait demandé d’imaginer la conversation téléphonique dont j’ai été incapable d’en saisir le moindre son, j’aurai inventé. Et je n’aurai pas été bien loin de la réalité, je crois.
C’était son fils, sa fille peut-être. Elle lui souhaitait tous ses vœux, elle savait bien que c’était peine perdue. Le papa avait fuit le domicile conjugal depuis si longtemps. Elle s’était prit la tête dans sa main, pour tâcher de se rendre plus convaincante. Par téléphone, on ne voit rien, on pourrait sentir, mais ça n’a rien à voir avec la réalité. Et lui, elle peut être, n’avait rien vécu de cet instant là. Pourtant la douce voix d’une maman réconforte toujours. Alors le correspondant s’était laissé bercé par la voix mélodieuse. Le 31, on se laisse porter. On fait le point et on se dit que ce sera mieux après. On voit le chemin parcouru. On se sent fort et on écoute tout le monde. Les sentiments sont décuplés. Le soir du 31, on découd le passé pour mieux le tisser, à nouveau. On a encore beaucoup à faire. On écoute ses proches. Et quand soudain, le réseau téléphonique se fraye un chemin dans des lignes de fils retenues par de gigantesques poteaux le long des chemins de campagne, on prend le temps d’écouter. On prend le temps d’arrêter le temps après lequel on court si souvent. On ne fait plus semblant. Les larmes viennent sans avertir. Les crises de fou rires, elles aussi. On danse si on en a envie. On aimerait bien que la douce voix à l’autre bout du fil jamais ne disparaisse. Pourtant c’est un rêve dont il faut déjà presque se réveiller. Demain déjà, la réalité. C’est une belle parenthèse et juste pour ça, on profite de chaque instant. Mais déjà ils sont éteint.
J’ai croisé le regard de la « femme au téléphone » en tournant la tête. Furtif. Je ne trouve pas d’autre mot pour qualifier l’instant. Je l’ai quitté presque au même moment où j’ai croisé son regard. J’ai tout imaginé. J’ai menti. J’ai inventé. Je me suis amusée.

En rentrant, je me suis rendue compte que je n’avais eu personne à qui souhaiter la bonne année. A part les quelques piliers de bars que j’ai rincé tout la soirée à coup de Gin Tonic. Je pouvais bien faire un câlin à ma moto, mon âme sœur, mais c’est un instant qu’on partage.

J’ai roulé. J’ai cru que le moment ne s’arrêterait jamais. J’ai mis sur béquille ma moto.
J’ai poussé la porte en verre.
J’ai embrassé l’épicier du coin de ma rue. J’en ai profité pour m’endetter un peu plus d’une bière que j’ai attrapée d’une main dans le frigidaire aux néons bleus. Un peu comme je ferais chez moi.
Il m’a déclaré sa flamme. Je savais bien qu’il fut en passer par là un jour. Il m’a même proposé de me payer.
J’ai été très touchée. Il maniait très mal ma langue natale bien sur. Cela aurait sûrement dû me choquer. Ca m’a fait sourire. Les regards qu’il jetait régulièrement dans le miroir qui lui donnait un accès visuel au cagibi du fond de l’épicerie, m’ont amusés. Sa femme devait être là. Elle gardait un œil averti sur son mari, je crois. Il m’en avait déjà parlé quelques fois.

Le 1er Janvier 2012, j’ai souhaité la bonne année à mon épicier, il était 5h31. Il m’a proposé de coucher avec lui, en échange de quelques billets. J’ai souri. J’ai refusé. J’ai pris une voix douce, pour ne pas le heurter.

J’ai pensé à ma mère.

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Baromètre

Elle est un peu tout. Elle n’est finalement qu’une tache dans l’immensité de la vie et pourtant. Elle transcende l’espace, fusille du regard la vie, sourie si fragilement. Elle transporte par sa seule présence n’importe quel inconnu qui viendrait à croiser son chemin. Elle porte de si lourds bagages pourtant. La vie s’adoucie à ses côtés. C’est si touchant, elle se voit si dure. On aimerait tant qu’elle nous aime. Sans aprioris, sans amertume, sans le passé. Elle est intransigeante.
Elle est notre sud, notre est, note nord et notre ouest. Elle est le baromètre qu’on tapote du bout du doigt jeune, lorsqu’on quitte l’appartement familial. Comme pour se rassurer que tout à l’heure, demain peut être je ne sais plus, il fera beau. Parfois l’aiguille tombe très bas. Et puis un jour, comme ça, au hasard, il fait beau. Elle indique. Elle conseille. Elle rassure, comme elle peut. C’est comme au loto, ca vient au moment où l’on s’y attend le moins. Elle écrase les bonnes intentions des autres, juste parce qu’elle trouve les mots justes. Elle saurait être une très bonne avocate, dans une autre vie.
Elle sait aimer. Elle sait donner. Elle sait prêter aussi. C’est à se demander ce qu’elle ne sait pas faire.
Elle éteint les lumières du tout Paris, elle arrête le soleil s’il venait à briller, elle interrompt les vagues sur le bord des Océans, elle vainc les tremblements de terre. Elle est assez forte pour me porter, elle saurait l’être pour le monde tout entier. Elle sauvegarde mon âme, elle pourrait soutenir l’humanité si elle le voulait. Elle est intemporelle. Elle s’interroge, comme tout être humain. Elle cherche et trouve le bon chemin. Pour elle, pour les siens.
Elle aimerait donner son sang, mais c’est déjà bien assez. Elle ne vieilli jamais. Elle prend son temps. Elle compte les secondes, dans sa tête seulement. Elle ne le partagerait pour rien au monde. C’est pour elle une marque de faiblesse que de voir les graines du temps s’éparpiller sous ses yeux. Alors sur la plage, quand on y va, elle prend des poignées de sables et elle fait s’écouler le temps sous sa main, pour au moins, lui, le contrôler. C’est un rêve dont elle sait bien qu’il faut s’en échapper, pourtant, le geste, elle le reproduit sans s’en lasser, aux côtés de celle qu’elle aime et qui paisiblement s’est endormi dans le creux de son épaule.
Elle ferait taire, les klaxons du tout Paris pour apprécier le silence de la vie.

Elle se marierait.
Avec celle qu’elle aime et pour qui elle décidera de devenir le baromètre. Toujours le même qui trône chez Régine, juste à l’entrée de l’appartement. Celui qui me disait tous les jours, il va faire beau. Souvent, il m’arrivait d’être déçue pourtant. J’arrivais avec tant d’espoir devant lui. J’y mettais tant d’intention. Mais la vie ne trompe pas. Parfois elle décide de se montrer douce et parfois….

Près de 20 années ont passés. 20 années à vivre la vie comme elle voudrait bien se présenter à moi. 20 ans à contempler le soleil se coucher à Paris, à Syndey, Montréal aussi. 20 ans et quelques fois où, en apnée, j’ai admiré l’immensité de la vie dans des taches lumineuses tout au fond du ciel. Il paraît qu’on appelle ça des étoiles. 20 ans de vie, pour trouver les bonnes raisons d’y accorder une importance. Quelques années à me fasciner pour les mathématiques. Quelques mois seulement, à résoudre des équations à plusieurs inconnues. Un seul moment pour me rendre compte qu’il n’y à qu’une seule équation qui vaille. Celle qui n’a qu’une inconnue. Une unique pour toute la vie, ça suffit amplement pour un seul être humain.

Un seul instant où l’on arrive à s’accorder à deux. C’est rare. Ca fait toute une vie aussi.

Elle va se marier. C’est un roc. Rien ne pourra l’en empêcher. Et tant mieux.
Elle restera éternellement mon baromètre.

D’elle, j’en ferais un papyrus, que j’envelopperai délicatement à l’intérieur d’un tube en verre. Comme un petit mot qu’on voudrait garder toute sa vie sans jamais le lire à nouveau. Je le clouerai à l’entrée de mon chez moi. Sur ma porte. J’aurai beau déménager, je l’empaquetterais toujours en dernier, dans le souci qu’il ne se brise pas au milieu des décombres du passé. Je le garderai tout près de moi, dans ma voiture et pas dans le camion que je suis.

Et si un jour, par mégarde, j’égarai le papyrus enveloppé, s’il s’échappait de ma voiture, s’il décidait de s’en aller.

Alors, j’achèterai le plus beau des baromètres.

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Au revoir Monsieur le Président

Le malaise du 21ème siècle ne se nourrit très probablement pas de ces élections.
Ma grande tristesse de ces présidentielles, là voici.

Le malaise de notre époque ne tient pas en un seul débat entre deux Hommes, l’un en face de l’autre, qui proposent des réponses à des questions dont ils ne sont pas seuls maitres. Le malaise de notre temps est économique, social, Républicain. Nous le savons tous. Il tient en une multitude de choses, je le pense, dont il est impossible pour un seul Homme d’en assumer la pleine et entière responsabilité. Le malaise que nous éprouvons aujourd’hui ne trouve pas ses racines en un seul être qui promet, l’autre qui ment, puis un troisième qui dément. Il ne nait pas dans l’égoïsme non plus.

Le malaise du 21ème siècle se fonde, très certainement, dans la violence humaine.

Je ne jugerai pas un Président Français sur un trait de son caractère, pas non plus sur des erreurs… De parcours. Je ne veux pas juger un Homme qui trouve la force aujourd’hui, de prendre en sa possession tous les pouvoirs… Ceux de notre Grande Nation. Je ne jugerai pas un Homme qui ose. Pas celui qui a eu le courage d’affronter la très grande crise de notre siècle. Une crise humaine, sociale, économique et malheureusement environnementale.
Pour ne pas le citer, je ne jugerai pas M. Sarkozy pour des erreurs, dont je dirais, qu’elles sont des erreurs des parcours, peut être des erreurs de communication.
Je ne jugerai pas M. Sarkozy d’avoir tout tenté pour garder la tête de la France hors de l’eau, sans vouloir dire que M. Hollande ne le fera pas lui-même à son tour. J’ose espérer qu’il saura le faire.
Je ne jugerai pas un Homme, sur la manière très propre, qu’il a eu de gouverner un pays en crise, dans un monde alentour paniqué lui-même. Je ne condamnerai pas un Homme qui a trouvé la force de convaincre 53% de Français de l’élire Président de la République Française, en 2007. Et je ne perdrai pas mon temps à condamner ce même Homme qui a su assumer son entière responsabilité, pour des fautes dont il est oui responsable. Je ne le condamnerai pas, car il a su gouverner un pays de près de 70 000 000 de citoyens et tenir ce gouvernement sans révolte, ni sans guerre.
Regardons de plus près ce qu’il se passe ailleurs…

Nous sommes les égocentrés, les egocentriques. Nous sommes, nous-mêmes, les responsables.

Le malaise de notre temps vient de celui que nous bâtissons tous les jours sur les toiles impalpables de nos vies. Il vient en grande partie de la violence des mots et la violence humaine qui nous est propre, à l’égard de ceux qui dirigent notre pays et qui ne sont que de vulgaires êtres humains. Il nait également de la violence de ceux qui injurient le Président de ce dernier quinquennat. De ceux là mêmes, petits citoyens, qui ne prennent pas la mesure d’une telle place. Celle de Président de la République Française.

Le mépris que j’ai pu observé au cours de ces dernières semaines vis à vis de ces gens qui font la République, qui la forgent et qui tentent par tous moyens de la garder intacte, me répugne au plus haut point.

Qu’on ait pu huer, violenter, injurier, le Président de la France, encore une fois, malgré des erreurs qui sont les siennes, pour des raisons dont je ne comprends pas la signification, je ne le pardonne pas.
Qu’on ait pu le traduire devant une justice dont je dirais qu’elle s’est construite sur les murs bancals d’un inconscient collectif, me révolte.
Qu’on ait pu sanctionner notre dirigeant pour de fausses raisons, dont on connaît bien évidement tous les tenants et les aboutissants, me fustige.
Qu’on ait pu trouver, en nous-même, tant de haine contre un seul homme pour éviter à tout prix de penser que nous sommes les seuls fautifs de notre désespoir, me débecte au plus haut point.

Je ne fais pas partie de cette France là. Je ne fais pas partie de ces gens là qui n’assument rien. Je ne suis pas de ces citoyens qui ne prennent aucune position, ou si, surtout celle qui pourrait me protéger un temps de moi-même et de ma lâcheté pour cette société dont je vois, passive, qu’elle dépérit doucement.

Dimanche, j’ai voté M. Hollande. Non pas, par Anti-Sarkosisme, pas non plus par anticapitalisme, mais je crois, dans l’espoir d’un pays plus doux, dont les valeurs sociales sont à défendre, pour moi, mais pas seulement. Pour les enfants de la République.
J’ai voté M. Hollande, dans l’espoir qu’il ne devienne pas l’Homme du pouvoir, mais le pouvoir de la France.
J’ai voté M. Hollande pour des valeurs humaines, fondamentales, inscrites dans notre société. Des valeurs que ce même Homme ne cesse de défendre avec grande conviction, accoudé à son pupitre, détendu, aux côtés de M. Bérégovoy.
C’est ce que j’aime à croire… Qu’il est confiant.

J’ai voté M. Hollande, non dans la violence, non dans l’irrespect, non dans un « n’importe quoi de masse », mais dans un espoir.

« Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme. Qu’on ose donc me traduire en cour d’assises et que l’enquête ait lieu au grand jour !
J’attends. »
Emile Zola.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République Française, car vous l’êtes encore à ce jour, l’assurance de mon plus profond respect.

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Sh’ma Yisroël

Une chambre blanche, la lumière claire de l’hiver au dehors. De grandes baies vitrées. Un peu de jaune, un peu de toi dans la pièce sans vie. Un reste, pas grand chose. Juste les mains, intactes. Sinon, la peau sur des os meurtris par les Guerres. Un tube, pour alimenter ton corps du peu qu’il en reste. Et voilà.
Que reste t-il sinon l’âme, les souvenirs, les joies, les peines ?
La vie toute entière.

Mes pas deviennent lourds. Les attentions, difficiles à donner. Un peu de ma peau sur ton front si lisse encore. Si doux. Il n’aura jamais changé lui. Voici le seul souvenir de toi que je garde en mémoire. Et pour toute mon éternité. Le reste n’est plus qu’amas de chaire. Le sang coule encore. Et pour si peu de temps.

Réveille toi.

Je fais parler ton corps, j’ajuste ta main contre tes tempes. Nous crions ton nom. Dans la chambre nos voix ne résonnent plus. Il n’en est plus le moment.
L’énergie te manque pour ouvrir les paupières, j’en aurai tant à te donner. Mais elle n’en a pas décidé comme cela, la vie.

A travers le drap blanc, je devine ton corps, recroquevillé sur lui même, enfantin. Minuscule sous la fine couche de tissu.

Réveille toi.

Plus rien ne vit désormais. Ton cœur, peut être, est-il encore le seul à battre la mesure.
La douleur d’avoir à respirer encore, t’est-elle insurmontable ? Une petite dose d’insuline apaiserait le mal. Souffres-tu ? Veux tu un baiser ?
Je t’en donnerais 100, si j’avais encore le temps. Si seulement la vie voulait bien me l’offrir.
Mes efforts sont vains, je te secoue, tu n’entends plus rien.

Réveille toi.

Tes paupières me font signe de te laisser désormais en paix.

Qu’il t’y accueille bien, là haut, le Grand Barbu.
Mes doigts collés contre tes yeux. Fermés. Les miens, dans la méditation sous mon autre main.

« Sh’ma Yisroël ».
La dernière prière.

Un souffle contre tes tympans. Mes lèvres timides, s’entrouvrent pour te murmurer un dernier « Au revoir ».
Une dernière flamme encore, pour se dire que la vie peut continuer. Un dernier espoir au nom de l’humanité.

Réveille toi.

Un dernier regard à travers l’entrebâillement de la porte.
Dernière lueur, dernier rayon de lumière. Le soleil s’en va déjà. C’est l’hiver. Bientôt Noël.

Trois jours se sont écoulés et je n’ai vu ni la clarté du petit matin, ni les lampadaires qui s’allument, le soir tombé. J’ai hurlé ton nom dans des rêves dont je ne me souviens déjà plus. J’ai éloigné la mort et ton corps de mes pensées, pour retrouver ton âme quelque part. J’ai cherché longtemps. Dans des mers agitées, dans la profondeur des terres, dans des pans de murs laissés à l’abandon. Je t’ai trouvé. Partout et nulle part. Je n’ai pu m’accrocher à rien d’autre que cette fichue bague en or et son « S », fier, gravé en son sommet. Cette chevalière trop grande pour mes doigts si fins. J’ai éteins la lumière, je l’ai rallumé. Je l’ai fait 100 fois dans l’espoir de te retrouver. Je me suis levée, me suis recouchée. Je n’ai pas quitté la bague. Sous la douche, sous l’évier, sur ma moto. Je l’ai embrassé, comme je t’ai donné un dernier baisé sur le front.
Le soir de Noël, le 5ème jour de Hanouka, j’ai bien mangé et bien bu. J’ai lancé des regards de joie aux 5 bougies qui se consumaient sous mes yeux. Chez nous, tu te souviens, on est pas triste les jours de fêtes. Je suis allée me coucher. J’ai gardé la bague. Mais dans la nuit noire, le matin très tôt, le jour de Noël, je me suis levée de mon lit, pour faire quelques pas dans la pièce sombre. Mes mains avaient gonflés sous la chaleur du radiateur. J’ai retiré la bague.

« Papy est parti, ce matin à 6h00 ».

La chevalière trônait sur ma commode. Elle scintillait de mille feux sous la lumière d’un triste soleil d’hiver. Je n’ai pas quitté le bijou des yeux. J’ai pensé très fort à toi. Si fort que j’ai contracté tous mes muscles pour ne pas avoir à hurler contre la vie.

J’ai remis la bague sur mon plus gros doigt, en me disant que, plus jamais, je ne la quitterai. L’instant fut solennel.

Ce soir, c’est noël, la bague est lourde.

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No man’s land

Coups de feu.

Une rangée de vieux chênes s’apprête à dégainer.
En ligne de combat, tout le monde attend.
Ca sonne tous azimut.
Ils claquent les fusils.
Des balles perdues se déposent au sol, silencieuses et molles.

Clapotis, la marre reluit.

D’autres balles s’envolent, s’enfuient, s’échappent, dans la chaire animale.

Clapota, les chiens aboient.

Une bouche, un nez, deux yeux.
Son front.

Triste été.
Notre passé.
Qu’il faut effacer.
Sans jamais pouvoir le tuer.

Son sommeil est lourd.
A moi, il ne me vient pas en plein jour.

Qu’en dirait-elle, si je lui proposais une trêve ?

Pour reposer mon bras qu’elle écrase toujours un peu plus, au fil du temps qui passe, des microsecondes qui s’enfuient désormais dans mon passé.

Qu’il était doux ce « juste avant », ce passé présent. Perdu.
Il ne m’appartient déjà plus.
À elle non plus.
Son visage était lisse. Il ne l’est plus.
Je découvre de jolis petits creux, posés là depuis si longtemps pourtant.
À l’extrémité de son menton tout rose. Au bord de son front. Présent d’antan.

Ma mémoire oublie déjà les imperfections.

Coup de feu.

Je me contiens pour tout garder, des déformations.

La corde du temps s’enfuie entre mes doigts. Je la retiens.
Elle me lacère les mains.
Mes paumes se ramollissent.
Et devant, toute seule, la corde se tisse.

Le sang coule tout le long de mes poings.
Les goutes rouges bordeaux s’agglutinent à mon passé, dans ses moindres recoins.

Mes muscles se fatiguent.
Je ne peux m’en détacher.
Le temps contre moi se ligue.
Je ne vois pas encore le fossé.

Je retiens la corde toujours. Je veux garder les défauts de son visage pour moi. Le battement de ses cils. Ca ne peut pas disparaître si vite.
La corde tire si fort.
J’admire une dernière fois.

Imagine son rêve, repense aux creux, apprécie ses lèvres.

Et puis, sans prévenir, d’un coup sec, la corde m’entraîne.
Je perds l’équilibre.
Elle me traîne.
A l’air libre. Le nuage de poussière, qui s’échappe depuis mes semelles, m’empêche d’y voir clair. La corde se fond, caméléon, dans le décor désertique, sans fond, ni fin. Là où rien ne se termine.
No Man’s Land.

Elle se réveille.
Je suis si vieille.
Découvre son visage de l’oreiller.
Ma course est achevée.

Je l‘embrasse.

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